E. – Le Temps scellé d’Andreï Tarkovski

Quand E. parle, il fait en regardant un peu au loin, en biais ; il cherche ses mots ou plutôt, le mot résumant sa pensée. La bouche entrouverte, les deux mains levées au niveau de son menton : il hésite. Quand il parle, normalement, il n’en lève qu’une et l’agite. Quand il parle, en général, c’est avec passion sinon il se tait et écoute – parfois distraitement, perdu dans ses pensées tenant une main pudique devant la bouche.

Lorsqu’il hésite sa parole et son corps s’animent à l’unisson avec ses paroles: il se projette pleinement dedans. Il hésite des deux mains car il se plonge tout entier à l’instant qu’il vit, car l’hésitation et lui se connaissent intimement et s’empoignent fréquemment.

Nous nous retrouvons plupart du temps dans le même café, un petit troquet parisien de quartier qui a su garder son charme sans avoir à trop se farder. Nous y discutons, devant un café ou une bière, suivant les jours, échangeant considérations, parlant du dernier film à aller voir, de notre dernière lecture marquante, des auteurs, des réalisateurs intéressants. Et puis d’un commun accord silencieux nous retournons ensuite à nos lectures, à nos carnets de notes, à nos textes pendant que dans nos tasses le froid s’installe.

Le livre qu’il me confie avant mon départ est un essai, Le temps scellé du réalisateur Andreï Tarkovski. Il me suivra dans plusieurs pays, m’accompagnera sur les banquettes de nombreux trains et c’est pourtant bien dans ce même café que j’en ai commencé la lecture – sans lui.

Je connais sa passion pour le cinéma d’auteur, passant en grande partie par l’expérimentation et je ne suis que peu surpris d’un tel choix ; je dois cependant avouer que je n’ai, encore à l’heure actuelle, vu aucun de ses films (Non, ni même Stalker, ni même Solaris). Connaissant donc sa passion et son esprit critique difficile, je me préparais à entrer dans le cerveau d’un homme possédant une conception de l’Esthétique avec majuscule poussée – assez poussée pour toucher les pensées (et le cœur) de mon ami.

Ce livre consiste à l’assemblement et l’approfondissement de notes du réalisateur prises tout au long de sa carrière, ayant pour but d’expliquer et de présenter en plusieurs points sa propre vision du cinéma et plus largement, de ce qu’est la poétique.

 

« L’image d’un auteur dépasse toujours sa pensée, qui est insignifiante face à une vision émotionnelle du monde reçue comme une révélation. Car la pensée est limitée, mais l’image est absolue. »

 

C’est dans cette phrase que se situe le cœur du propos de Tarkovski – et dans ces mots je retrouve le regard en biais pensif de E.

La vue : sens premier dans notre appréhension de la réalité, matériel de base de notre intellectualisation des événements du monde nous entourant. On jongle avec. Jonglons. Le processus créatif n’est pas une invention, l’imagination n’en est pas une. Elle n’est qu’une construction, un assemblement personnel – témoignant d’une compréhension du monde unique, s’il en est, la notre – des éléments du réel observé, compris, ingéré, digéré.

Une fois la vision créée mentalement, une fois le monde disséqué et les agencements des systèmes redéfini, reste un défi pour le créateur : le transmettre. L’image. L’image elle seul pourra cristalliser à la fois tout le dit du créateur, et à la fois toute l’évocation auquel l’assemblement, dans un imaginaire personnel, pourra faire écho de manière suggestive. Le procédé est le même en écriture : la disposition des mots retranscris chez le lecteur une image, transmettant la vision originelle de l’auteur sous un nouveau prisme – l’important est alors de réussir à en faire passer l’essence.

La conception du cinéma de Tarkovski dépasse son cadre, on peut, en extrapolant, y voir une pleine application du conseil récurrent en création, la maxime angliciste « Show don’t tell ».

L’image, par sa réception immédiate saisie, par sa profondeur symbolique hante ; souvenez-vous ces instants de vos vies sans paroles, arrêtés, lignes courbes couleurs mouvements – bruits ? – qui ne pourront jamais, jamais vous quitter.

Je ne sais pas quand exactement E. a lu ce livre, mais, j’imagine l’effet que de tels mots ont pu avoir sur lui.

 

« L’image filmique authentique se construit sur la description du genre, sur la lutte contre le genre. »

 

On trouve ici un autre point clé de l’essai. J’aime charrier E. sur ses goûts parfois élitistes en matière de cinéma – c’est-à-dire, excluant volontairement la plus grande partie du public, pour s’adresser à une niche d’initiés, développant un cinéma régit par des codes de compréhension spécifiques. Il l’assume – s’en revendique même. Concernant un cinéma expérimental, il serait en effet faux, en pratique, de l’étiqueter cinéma genré : d’un réalisateur à un autre – l’on devrait même dire, d’un film à un autre  ! – ce sont tous les codes de compréhension du film qui sont cassés pour en créer d’autres, sous un prisme toujours plus personnel – et partageant pourtant des traits communs universels. La seule règle commune à ce « genre »serait alors la volonté de découverte et la réceptivité du spectateur. Le mélange des genres est devenu lui-même un genre, la curiosité peut-elle en devenir un ?

 

« Le poète est un homme qui a l’imagination et la psychologie d’un enfant. Sa perception du monde est immédiate, quelles que soient les idées du monde qu’il peut en avoir. Autrement dit, il ne « décrit » pas le monde, il le découvre. »

 

Philosophie, ou « fille de l’étonnement », selon sa racine grecque ; un enfant s’émerveille du monde à chaque instant car il a tant de choses à découvrir, son imagination fuse, il n’a que peu d’éléments à assembler. Cet émerveillement enfantin, on en chante et dépeint toujours son bon côté, lumineux, on en oublie trop souvent d’en évoquer son côté sombre, son drame. Il existe, chez l’homme-enfant, le poète.

De quoi est fait le monde ? Un manichéen répond : de bien et de mal. Il a raison ; il a tort car seul notre jugement produit cette opposition et pour cause : c’est notre sensibilité qui affecte notre objectivité, catégorisant le monde entre ce qui nous fait du bien et du mal. À quoi peut penser un Homme, seul au cœur de la nuit, lorsqu’il lutte pour garder sa réflexion froide, lorsqu’il redécouvre inlassablement toutes les horreurs et incompréhensions mutuelles qui font de ce monde un terrain de conflit, un champ de bataille auquel l’humanité la plus éclairée – non pas forcément lettrée – a apporté et apporte tous les jours des réponses qui restent ignorées. Comment un enfant émerveillé peut-il supporter la tristesse infinie du monde au moment où l’obscurité enlève des rues ses passants, qu’elle laisse seuls ses enfants avec leurs pensées conflictuelles.

Je n’ai jamais rien vu de Tarkovski et pourtant, je pourrais parier qu’une partie importante de son imagerie est une poésie triste.

 

« Or le critique se sert trop souvent de l’œuvre d’art pour confirmer un point de vue personnel, plutôt que de rechercher avec celle-ci un rapport d’émotion, vivant. »

 

Tarkovski est dur avec les critiques : ils ne l’ont pas épargné au cours de sa carrière. Ce qui intéresse le réalisateur, c’est plus le courrier de ses spectateurs que les critiques : bien que certains admettent n’avoir rien compris à ses films, ils témoignent d’avoir été profondément touchés et émus de ce qu’ils ont vu. C’est là le but de tout artiste.

C’est là que se joue réellement la lutte du réalisateur contre le genre, ce n’est pas une lutte qui existe par le simple fait de lutter, c’est-à-dire pour le simple plaisir de déconstruire, mais au contraire car elle tente de fonder quelque chose de nouveau, de propre à soi-même. On pourrait qualifier Tarkovski de chercheur et le moteur de sa recherche serait une question hautement philosophique -car très simple : qu’est-ce que le cinéma ? Ou plutôt qu’est-ce qui peut rendre le cinéma indissociable d’autres arts – et donc, lui-même ?

Toute l’expérimentation de Tarkovski repose sur la tentative de créer une autre forme de narration : la narration classique comme elle existe ne peut pas être le fond du cinéma puisqu’elle est déjà le propre du livre. C’est là le défi du cinéma – et, peut être les nouvelles technologies y apporteront de nouveaux moyens – créer une narration spécifique l’image, elle qui est le réel fondement du cinéma, afin de déployer tout le plein potentiel de la force évocatrice de l’image.

La poétique, l’évocation, l’attente, la libre association, l’inspiration, l’art du sentiment.

L’art de transmettre ses sentiments.

D. – Belle du Seigneur d’Albert Cohen

« Bien sûr, ce n’est pas la Seine,
Ce n’est pas le bois de Vincennes,
Mais c’est bien joli tout de même,
À Göttingen, à Göttingen. »

J’ai quitté Paris depuis longtemps alors que Barbara chante à mes oreilles – alors que je descends sur les quais de gare de Gottingen.

Il fait froid. Les visages rougis ici sont jeunes, la ville elle-même baigne dans une jeunesse éternelle : l’Université recouvre de sa chape invisible chaque rue et partout l’on peut voir que la construction de la vie des gens se joue, là devant nous. Il fait froid et on se frotte les mains en passant les portes des bars plein de chaleur, on retire son bonnet, son écharpe, ses gants, et l’on discute avec enthousiasme du marché de noël qui ouvrira le lendemain – c’est l’événement de décembre, c’est ce qui fait redevenir les yeux des allemands enfants le temps d’un vin chaud, de petits biscuits et de charcuterie locale.

D. est Suisse, bercée aux vues des montagnes et du lac de Neuchâtel, exilée dans le centre de l’Allemagne pour sa thèse.
Je lui demande pourquoi accepter un inconnu chez elle ? Parce qu’elle sait ce qu’est voyager, elle connaît les roadtrips à l’autre bout du monde, parce qu’elle pense qu’une personne qui entreprend un voyage comme celui-ci ne peut pas être mauvaise. C’est plutôt moi qui devrais avoir peur – elle rit.

Chez elle on passe un moment assis par terre devant sa bibliothèque – rangée avec soin. Elle hésite entre un livre parlant de voyage, un livre revêtant une symbolique familiale, et une histoire d’amour. Ce qui m’intéresse est de lire le livre qui l’a le plus marqué, dans sa vie. Je lirai Belle du seigneur d’Albet Cohen, livre tombé entre ses mains au bon moment.

On me l’avait déjà conseillé, décrit comme un livre capital à lire durant sa jeunesse.

« Et que personne ne s’offense,
Mais les contes de notre enfance,
« Il était une fois » commencent
À Göttingen. »

Les contes semblent avoir une grande importance pour elle ; elle se qualifie elle-même comme une grande enfant, comme une personne ayant besoin de lumière, de rire et de s’émerveiller sans cesse.

Le livre est imposant : je consacre mes journées à lire pendant que D. part le matin et revient au début de la nuit hivernale, en milieu d’après-midi.

Je donnerai moins de citations cette fois : dès la première page je découvre un style marqué, léché, qui m’a donné envie de citer chaque phrase.

Publié en 1968, écrit principalement dans les années trente – je me sens obligé de le préciser car je n’arrivais pas situer le livre dans une époque. Le style de Cohen est une hybridation terriblement efficace entre les libertés modernes (passages avec rupture totale de ton, chapitres entiers refusant l’utilisation du point, écriture automatique, etc.) et la préciosité romantique du XIXèm (dramaturgie, longues descriptions d’intérieurs, multiplication des « ô », etc).

Le livre raconte l’histoire du mystérieux et charismatique Solal, sous-directeur à la Société des Nations, au sommet de la chaîne sociale, et d’Ariane, belle rêveuse mariée sans passion afin de sauver sa situation. Mais plus que l’histoire, c’est leur relation et ce qu’elle soulève qui fait pleinement sens : une descente explorant la compréhension de l’amour et de la passion, la si dévorante passion.

La journée donc j’attends D. et le soir nous discutons jusqu’à tard ; il n’y a que nuit et froid, à Gottingen.

Nous rigolons des techniques de procrastination du touchant – à son insu, naïf mari cocu – Adrien Deume, dans lesquelles nous nous reconnaissons tout deux : chaque matin elle débat avec elle-même les raisons d’aller à son centre de recherche.

Si ce livre l’a tant marquée, c’est parce qu’il a servi de catalyseur à une relation difficile. Les mésententes, les tromperies et la croyance que l’amour qui les avaient rassemblés au début de leur histoire pouvait – devait ? – être durable : si l’histoire n’était pas fausse au départ alors tout devrait être encore possible dans le futur. Belle du seigneur balaye ces croyances. Les relations amoureuses existent au plus puissant de leur force, au début, par la passion. Une passion des premiers instants qui ne peut s’ancrer dans le temps que si les deux personnes apprennent à s’apprivoiser au quotidien, qu’elles s’acceptent l’une l’autre dans leur entièreté. C’est ce quotidien « tue-passion » qui est décisif à un amour durable ; c’est la passion tarie qui révèle les discordances et, dans ce livre, les personnages y déploient une multitude de stratagème afin préserver une passion éternelle, afin de rester dans une découverte perpétuelle de l’autre – des stratagèmes allant jusqu’à les rendre magnifiquement ridicules, improbables.

« Le plus souvent, elle résistait à la tentation, savait qu’à trop lire une lettre on l’abîmait, on ne la sentait plus. »

Et l’on serait prêts à tout pour préserver cette passion aux yeux de l’autre, à tous les changements, à se perdre soi. Solal et Ariane vivent dans une maison où il s’arrangent pour ne jamais se croiser – uniquement aux repas, habillés toujours au plus chic, et au lit.

Comment accepter de vivre avec un souvenir vivant à côté de soi, lorsque l’amour brûlant s’est fait ombre ?

D. ne comprend pas ce qui pousse à mentir, à tricher, à poser de mauvaises bases en couple. Sans doute la raison prend ses racines au même endroit que ses propres peurs, sans doute ce livre l’a aidée à relativiser qu’il n’existe pas de « ce que doit être un couple », qu’il ne peut se construire dans la peur d’un amour passionnel fragile. Elle est fascinée par Solal car celui-ci, pour séduire Ariane lui parle avec honnêteté, lui parle de la « babouinerie » de l’être humain qui se rend faux en tout instant. Qui ne peut s’empêcher de se rendre faux pour avoir ce qu’il veut vraiment, qui prétend pour pouvoir être, prétendre pour pouvoir jouir réellement et contourner la barrière de l’incompréhension intime qui se dresse entre les êtres.

« Dehors, universelle, une inlassable pluie disait leur malheur. Enfermés dans la souricière d’amour, condamnés aux travaux d’amour à perpétuité, ils étaient couchés l’un près de l’autre, beaux, tendres aimants et sans but. Sans but. »


À mesure que mon voyage avance, je me dis que je traverse des vies que je ne connaîtrai jamais.

En quelques jours des habitudes communes s’installent -faire les courses, préparer le repas, regarder des films, discuter et discuter encore – comme si nous vivions ensemble depuis des mois, avec la simplicité de personnes qui se connaissent. Comme si le simple fait d’être apparu dans son salon – j’ai enlevé l’horloge du salon, le bruit m’empêche de dormir – suffisait à accepter un quotidien commun et à se livrer comme des amis de longue date. Une vie qui n’est ni mienne ni sienne, dénuée d’artifices car ceux-ci ne sont nécessaires en rien, une vie si réelle – et pourtant hors du temps, comme elle le dit, sans cette horloge qui rythme d’ordinaire son appartement.

Je me demande combien de solitude vit tapit sous nos lits ? Combien de solitaires qui ne dorment pas la nuit, pensant aux autres, aux autres loin et seuls eux aussi ? Combien de solitudes apaisées par la chaleur de quelques mots, par la proximité d’une soirée de rires et de sincérité ? Combien d’hivers dans une Allemagne où ne brille que les marchés de noël ?

« Nous, nous avons nos matins blêmes
Et l’âme grise de Verlaine,
Eux c’est la mélancolie même,
À Göttingen, à Göttingen. »

C. – La Lenteur de Milan Kundera

Kundera, encore ! Les oiseaux du hasard veillent…

Après une péripétie de train – qui s’avérera devenir règle absolue par la suite du voyage (il faudrait d’ailleurs que j’écrive un Petit Guide du voyageur qui a plus d’une heure de retard) – c’est un visage inconnu qui m’accueille dans la banlieue Lilloise.

On me fait visiter la maison, ici les animaux, les pièces vivantes, les tableaux qu’ils ont peint accrochés aux murs et l’incontournable bibliothèque. La bibliothèque des livres les plus importants pour eux trône dans le salon, au-dessus du canapé. Son organisation m’intrigue : d’un côté, une dominante absolue de Romain Gary remplit la moitié de l’étagère, de l’autre, une dominante absolue de Milan Kundera laisse tout de même un peu de place à d’autres auteurs. D’un côté ses livres à elle, de l’autre ceux de C.

Symétrie d’une même façon d’aimer des choses différentes.

C. n’hésite que peu : ce sera La Lenteur au coin de la cheminée. Je me réjouis de découvrir un peu plus cet auteur qui m’avait beaucoup plu lors de mon escale Bruxelloise.

Comment les histoires se croisent-elles, s’emboîtent, se lient ? Par ceux qui y participent, sans doute, par des échos parfois trop lointain, aussi.
J’ai un étrange sentiment. C’est le premier soir, discussions et tartines de fromage avec soupe de légumes maison. Eh oui, c’est le nord et je fais partie de la famille. C’est sans doute de là que vient mon impression – étrange n’est qu’une façon de dire, inqualifiable – j’ai pris l’habitude, lorsque je découvre des gens de créer un nouveau lien en faisant connaissance, de prendre de ce fait une place nouvelle dans une relation inédite. Je neressens pas cela à cette table. Je fais partie de la famille.

« Pour le cross : départ à allure lente, bien respirer. Et être première. »

Post-it sur table de cuisine.

Le dimanche, les parents et leurs filles se réunissent – naturellement, sans que ce soit demandé – dans le petit atelier. Ici on fait des œuvres marrantes à base de matériaux de récup’, là on peint des schleich (petits chevaux de bois), ailleurs on peint à l’aquarelle et au feutre.

C. est passionné de Kandinsky et d’art abstrait.

« Tu m’as souvent dit vouloir écrire un jour un roman où aucun mot ne serait sérieux. Une Grande Bêtise pour ton plaisir. J’ai peur que le moment ne soit venu. Je veux simplement te prévenir : fais attention. […] Le sérieux te protégeait. Le manque de sérieux te laissera nu devant les loups. Et tu sais qu’ils t’attendent, les loups. »

Ce sont les mots clés de La Lenteur. Ce livre est une œuvre abstraite. Non pas dans les propos, mais dans la conception même de son ensemble. Là où dans L’insoutenable légèreté de l’être Kundera jouait sur plusieurs formes de narration, ici c’est toute la structure du récit qui est une imbrication complexe d’histoires et de scènes dont les sens se font écho ou plutôt, qui se croisent sur certains points avant de s’éloigner les unes des autres.

Si l’on devait faire un schéma des liaisons entre les différents éléments, cela ressemblerait sans doute à un tableau surréaliste. On doute et on cherche, sans être sûr qu’il y ait véritablement quelque chose à trouver, et pourtant.

Ces loups attendent de n’avoir rien à comprendre, attendent l’absence «d’ordre » pour pouvoir attaquer cette odeur qu’ils ne reconnaissent pas. Avec ce «manque de sérieux » Kundera dévie l’axe de la perception de la réalité d’un millimètre, rien qu’un. Un millimètre suffisant à dévoiler un monde à la fois totalement irréaliste et à la fois si véritable dans son humanité – on dit souvent que la réalité dépasse la fiction par son improbabilité -, un millimètre suffisant à dévoiler la trame de nos aspirations si conscientes et pourtant si prisonnières du peu de leur état…

Les deux filles de C. ont le même âge que mes propres sœurs.

Je retrouve ma petite sœur chez la plus jeune. La même façon d’être timide avec les autres ou dans des cadres sociaux, qui cache en réalité la même vivacité, le même humour surprenant, la même désinvolture aussi – parfois conflictuelle.

Le livre, tantôt conte, tantôt intrigue, tantôt moraliste, est aussi et surtout très drôle. Il n’est pas sérieux avec son propre sérieux.

On parle du livre lors d’une promenade matinale autour d’un lac – et les cygnes, et les fraises et la brume – on rit de cette scène improbable du scientifique Tchèque au nom imprononçable, qui montre ses muscles au bord d’une piscine en pensant – avec une sincérité touchante et ridicule – qu’il est au moins le meilleur des scientifiques quand il s’agit de force physique.

La Lenteur, c’est aussi le livre qui a donné le goût de la lecture à sa belle-fille, la plus grande.

Nous sommes tous des danseurs, des danseurs sociaux. Un pas en avant, un pas en arrière, on se rapproche, rumba des rondes de jambes et des oeillades jaugeuses. C’est ce que Kundera appelle le « judo moral », cette danse d’équilibriste sur un fil – commun – faite de toute la somme des échanges relationnels – impliquant également une forme de domination lorsque ceux-ci tendent au débat d’idée.

Le drame de cette discipline, c’est que l’on ne peut l’éviter : même la plus sincère des personnes sera prisonnière des mots, des intonations, des postures qu’elle utilise lorsqu’elle parle aux autres. Nous sommes tous des danseurs à notre insu, pris dans nos obligations d’existences sociales, et il peut parfois être dur de sortir de notre rôle – ou de l’image qui se construit de nous – pour rencontrer la personne au plus proche de ce qu’elle est – dans son intimité, son aisance d’être. (Ne sommes-nous pas nous-même que lorsque l’on agit, en bien ou en mal, sans ressentir d’entrave?)

« Ah, où sont les flâneurs d’antan ? Où sont-ils, ces héros fainéants des chansons populaires, ces vagabonds qui traînent d’un moulin à l’autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparu avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ? »

Cet extrait de La Lenteur me fait penser à une phrase extraite d’un petit texte écrit par C.,lors d’un jeu d’écriture réalisé ensemble :

« Tu t’affiches en rêvant que d’autres élégants sauront déceler ta part de beauté. »

J’apprends qu’ils ont un fils qui ne vit plus avec eux, à peine plus âgé que moi.

Je me dis que peut être, sans le vouloir, je me suis assis à sa place habituelle à table – sans doute que non, toutes les familles n’ont pas de places attitrées. Je me dis surtout que je ne n’arrive pas à m’empêcher de faire le parallèle avec ma propre famille, que j’ai inconsciemment repris cette place qui est la mienne, celle du grand frère silencieux. Je me dis que cela m’a peut être empêché d’ouvrir ma propre intimité, de partager la même aisance que C. lorsqu’il m’a ouvert sa porte (même si je sais bien qu’il me contredira en lisant ces lignes).

Je me dis trop de choses, sans doute ; je me dis qu’il ne faut pas ruminer ces « peut-être ».

Ces « flâneurs d’antan », j’en rencontre sur les routes de mes voyages mais aussi dans les maisons où il fait bon vivre : là où on accueille l’autre et où les amis remplissent le temps des soirs. On les reconnaît, je crois, car ils vivent mal ce « judo moral », ils ne supportent pas devoir être danseurs ; parce qu’ils s’efforcent de ne rien attendre des autres mais donnent ce qu’ils ont – ou plutôt, ce qu’ils sont – sans se poser la question de où commence et s’arrête leur intimité : ils sont, et leur sensibilité personnelle est, tout fards l’obstruant dépouillés.

J’ai rencontré une famille sincère accordant une grande place à l’expression personnelle, je regrette d’ailleurs de ne pas avoir eu le temps de lire Gros-Câlin de Romain Gary, livre préféré de la compagne de C. (Mais qui sait…) J’ai lu un livre fascinant dont je n’ai pu démêler tous les nœuds ; La Lenteur, ou chronique d’un livre que j’ai lu trop vite.

B. – L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera

B. écoute ses cours de philosophie et les réécrit sur son ordinateur. Quatrième étage ; dehors le quartier de Schaerbeek. Une cour et des arbres jaunis, sur le grand bâtiment à gauche – des salles de classe – des feuilles rouges recouvrent la façade comme un feu fané attendant l’hiver. Au-dessus, l’escalier qui mène au toit d’où un soleil écartant les nuages s’efforce de couvrir Bruxelles – à moitié. On entend les sirènes des ambulances entre les coups du clochers de la cathédrale, chaque demi-heure.

Je suis dans un Kot de filles (logement étudiant), accolé à l’université. Je m’y sens un peu clandestin : élément intrus recueilli dans l’intimité d’une chambre chaleureuse. Les journées s’écoulent lentement, au rythme des discussions qui durent un temps et puis au silence qui reprend : on écrit, on lit des choses diverses chacun dans notre coin partageant l’atmosphère studieuse, rassurante. Je lis L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera.

Le livre a vécu, il est plein de notes, de passages clés et de belles phrases soulignées au crayon de papier – d’autres au stylo bleu  – et je me dis que j’aurais sans doute souligné moi aussi les mêmes phrases si le livre avait été mien.

« J’ai la sensation que le ton est très à l’étude. Comme une analyse de l’être humain à travers une histoire inventée. Bien écrite, humaine, mais entrecoupée de petits chapitres explicatifs, avec des notions d’histoires et de philo, là par exemple il parle de Parménide…

– C’est marrant le cours que je lis est justement en train de parler de Parménide ! »

«Pour qu’un amour soit inoubliable, il faut que les hasards s’y rejoignent dès le premier instant tel les oiseaux sur les épaules de Saint François d’Assise. » Kundera.

Le hasard que l’on se soit rencontré, le hasard que l’on s’intéresse tous deux à la philosophie, le hasard qu’avec elle je rencontre un ancien ami de lycée perdu de vu un soir, dans un bar. Le hasard, toujours le hasard là glissé dans des détails – que l’on veut bien ou non remarquer, lorsqu’il ne s’impose pas.

Je ne peux m’empêcher de me dire que ce serait une erreur, de trop vouloir chercher de liens entre les propos du livre et les instants que je vis, sur ces synchronicités familières : il paraît que le hasard se provoque.

Kundera se penche sur ces « lois des séries » liées au hasard, ces « si cela n’était pas arrivé » traçant des vies entières lorsque l’on observe le passé. Il dépeint par exemple cette série de six « si » qui ont rendu possible l’histoire d’amour qu’il raconte entre Teresa et Tomas.

L’histoire est belle, plongée dans la République Tchèque envahie par l’URSS, dans la paranoïa des écoutes politiques, il traite de la fidélité dans le couple et de la jalousie, le tout décrit avec une délicatesse et un sens du réalisme, de ce qui est chair et esprit, sonnant juste et naturellement prenant. C’en est d’autant plus déroutant (frustrant peut-être pour certains) de voir l’auteur couper parfois court à ces passages pour disserter ou pour décrire de but en blanc pourquoi et comment tel personnage est né : de sentiments qu’il a eu un jour, d’instants de vie, d’images… Et puis enchaîner sur un discours hilarant de justesse sur le rapport entre le kitch et la merde… Une question vient alors : mais sur combien de plans joue ce roman ?

« Einmal ist keinmal. Une fois ne compte pas / Une fois n’est jamais. L’Histoire ne va pas se répéter une seconde fois. »

L’éternel retour de Nietzsche. Le livre ouvre sur un court chapitre qui explique la notion. Je n’y avais pas vraiment fait attention, pas fait le lien. C’est B. qui me l’a rappelé à mi-lecture et je me suis arrêté pour y réfléchir. En effet, l’histoire ne se répète pas car si elle devait se reproduire elle serait la même. Encore et encore. Les coïncidences, les « si », chacun les répéterait car dans l’instant présent, nous vivons nos choix et nos sentiments pleinement. Ensuite seulement, viennent les regrets, les remords et les déceptions, mais dans l’instant il n’y a que l’action qui existe et fait corps et âme avec le réel – avec toute la conscience et l’inconscience que cela implique. C’est là que Kundera s’éclaire et me fascine, en appliquant ce principe à la structure de son livre et en dévoilant clairement que :

« Les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées. C’est ce qui fait que je les aime tous et qu’ils m’effraient pareillement. […] Le roman n’est pas une confession de l’auteur, mais une exploration de ce qu’est la vie humaine dans le piège qu’est devenu le monde. »

Sans forcer le hasard, celui-ci guide instinctivement. Je pense que c’est aussi dans ce fait que B. aime ce livre, pour son traitement du possible.

C’est une fille discrète, timide et elle l’admet : elle ne parle pas beaucoup, elle ne se sent pas toujours à l’aise en groupe, elle ne sait pas quoi dire – elle s’excuse auprès de moi que ce soit aussi calme chez elle, comme si son calme était un synonyme d’austérité…

S’il y a une chose qu’elle aimerait changer chez elle, ça serait cela, sa timidité. Je le sais car c’est elle qui m’a posé la question d’abord, sur ce que j’aimerais changer chez moi.

Pourtant, lorsqu’elle se trouve avec des gens plus timides qu’elle – ou qui ne connaissent pas le groupe présent – elle s’ouvre plus, elle sourit plus, parle plus fort, elle se sent le devoir de ne pas être timide pour les autres, pour les mettre à l’aise car elle sait ce qu’ils ressentent.

Les discrets sous-estiment leur force.
Ils s’excusent de leur calme et ne se rendent pas compte que leurs silences les rendent plus proches des autres que toute conversation mondaine, tapageuse et pleines de questions d’usage sur les événements de nos vies. Ils sont sensitifs. Sa question directe m’avait surpris et c’est pourtant bien là que réside la force des discrets : on peut se connaître « nous » intimement et plus en profondeur qu’avec tout autre. Pas besoin d’être extraverti pour s’ouvrir aux gens, tout est déjà en eux et avec plus de force, une force sous-estimée. Je terminerai sur une dernière citation de Kundera qui se passera d’explications :

« Tant que les gens sont encore jeunes, la partition musicale de leur vie n’en est qu’à ses premières mesures, ils peuvent la composer ensemble et échanger des motifs mais, quand ils se rencontrent à un âge plus mûr, leur partition musicale est plus ou moins achevée, et chaque mot, chaque objet signifie quelque chose d’autre dans la partition de chacun. »

A. – L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón

« La question est : est-elle une femme dont on tombe amoureux ou une de celles qui te retourne les tripes et tout le reste ? » – L’Ombre du vent

Trois heures trente, je n’arrive pas à me rendormir. Des rêves à répétition ont épuisé mon sommeil. Je ne m’étais pas souvenu d’un seul rêve depuis plus d’un mois, avant de partir en voyage. J’ai marché toute la journée sur le sentier du Mur d’Hadrien – laissant derrière moi un Newcastle aux airs de fin d’été anglais – jusqu’à ce que mes pieds ne puissent en faire plus.

Mauvaise surprise pour un premier jour : déjà des ampoules pointent le bout de leur nez (la sensation que la fibre de ses chaussettes rentre dans la plante des pieds est un signe à surveiller, à tous les coups révélateur.)

Tombé de fatigue très tôt, je découvre la deuxième mauvaise surprise dans la nuit ; il pleut. Non pas qu’il pleut, mais j’ai sous-estimé le climat local : la permanente humidité anglaise suffit à faire goutter les arbres – sous lesquels je pensais justement m’abriter de la pluie.

Il est trois trois heures trente alors et j’abandonne l’idée de me lancer dans un énième rêve éreintant. Je sors ma petite lampe frontale et mon gros livre – de grosses gouttes tombent et glissent sur ma toile de tente, dehors la brume et la nuit – enfouis dans mon duvet. L’Ombre du vent dévoile ses premières pages, jusqu’au petit matin.

C’est A. qui me l’a conseillé comme étant son livre favori.

Je crois que, pour commencer à en parler, il faut aller au plus simple. Ce livre, contrairement aux autres à venir et au but de ce voyage, je dois le lire seul et loin de A.

A. est la personne qui m’a rappelé que j’étais capable d’avoir des sentiments, pour moi-même, pour mes proches, pour une personne en particulier. Une relation impossible, égoïstement de ma part sans doute – la preuve, je ne parle d’elle encore que par rapport à moi.

Je pourrais pourtant en dire des choses sur elle. Sur son rire un peu bête, sur sa façon de marcher, sur sa manière de se lier avec les gens, sur cette joie de vivre colorée qui cache une profonde déception de l’Homme et une anxiété dévorante. Sur sa volonté d’aimer les gens en fin de compte, de vivre avec eux car s’ils n’étaient pas là, rien ne semblerait avoir de sens.

C’est sans doute pour toutes ces choses qui nous rapprochaient – et celles qui nous opposaient – qu’il me fallait lire son livre, afin, peut être, y chercher naïvement un pourquoi à cette histoire.

Dès l’introduction, le livre m’a fait sourire et m’a intrigué de son monde plein de mystère, plongé dans le contexte des prémices de la guerre civile d’Espagne en 1936. Il m »a intrigué d’abord, car le personnage principal se trouve propulsé enfant dans le « cimetière des livres oubliés », immense bibliothèque cachée dans Barcelone, recueillant des livres du monde entier dont plus personne ne se souvient. Il m’a fait sourire ensuite, car ce même enfant, Daniel, choisi un livre s’appelant L’Ombre du vent et le lit jusqu’au petit matin – comme je l’ai moi-même fait avec celui de Zafón. La catharsis évidente est affirmée dès le début par ces quelques mots résumant le livre – dans le livre – où :

« […] Lentement, nous découvrions l’ombre d’un amour maudit dont le souvenir le poursuivait jusqu’à la fin de ses jours. A mesure que j’avançais, la structure du récit commença à me rappeler une de ces poupées russes qui contiennent, quand on les ouvre, d’innombrables répliques d’elles-mêmes, de plus en plus petites. Pas à pas, le récit se démultipliait en mille histoires, comme s’il était entré dans une galerie des glaces où son identité se scindait en des douzaines de reflets différents qui, pourtant, étaient toujours le même. »

Le cheminement du livre s’annonce donc et l’on se demande – l’on perçoit – quelles pistes vont venir densifier le récit, cette quête, cette recherche presque policière sur le mystérieux auteur du livre et sur cet amour maudit que le héros va découvrir et même par la suite éprouver. Si le livre emploie par la même occasion les ficelles propres à l’enquête – multipliant les fusils de Tchekhov pour masque des pistes que l’on devine – il n’en conserve pas moins un charme particulier impliquant le lecteur dans une vie romanesque, aux confins d’un drame humain, empreinte de poésie et de rêveries à propos des livres, puisque le personnage principal est libraire et le fantôme dont il suit la piste, Carax, est un écrivain maudit.

L’auteur renforce l’implication à travers le temps en ponctuant son récit de références également contemporaines à l’époque qu’il dépeint (l’arrivée nouvelle de la télévision, la finale de football de la Ligue des champions, etc.) en faisant un livre intemporel qui parlera encore à ses lecteurs cinquante ans après.

C’est pourtant dans un autre livre que j’ai trouvé une piste de réponse à la question que je me posais, à propos de l’immersion dans la lecture, qui au final se trouve être le propos de fond de L’Ombre du vent.

Dans sa deuxième Lettre à Malesherbes, Jean-Jacques Rousseau déclare à propos de sa découverte du monde, très jeune :

« Cet ennui de tout m’a de bonne heure jeté dans la lecture. […] j’avais lu tous les romans, ils m’avaient fait verser des seaux de larmes avant l’âge où le cœur prend intérêt aux romans. De là se forma dans le mien ce goût héroïque et romanesque qui n’a fait qu’augmenter jusqu’à présent, et qui acheva de me dégoûter de tout.

Dans ma jeunesse je croyais trouver dans le monde les mêmes gens que j’avais connus dans mes livres, je me livrais sans réserve à quiconque savait m’en imposer par un certain jargon dont j’ai toujours été dupe. »

Car c’est bien là ce qui fait la force du livre, ou du moins qui impacte en profondeur le lecteur de ce roman : il avive ce sentiment que l’on a tous ressenti en lisant, cette volonté de voir sa vie se transformer comme l’une de nos histoires empagées, de vivre véritablement une histoire romanesque comme en parle Rousseau. Rencontrer des gens étonnants, plein d’humanité et toujours prêts à accomplir des actes sortant d’un ordinaire auquel on nous prépare enfant, une vie de routine et d’obligation qui paraît presque irréelle face aux livres qui ont fait notre apprentissage. Qui ont fait notre connaissance du monde avant même de le rencontrer, nous alimentant d’intrigue, d’intérêt et de passion dévorante pour la vie.

Je repense à un autre livre que m’a fait lire A., Le Passeur de Lois Lowry, qui traite lui aussi à sa façon de la découverte terrible pour l’enfant – qui devient adulte – du monde qui l’entoure, plein de drames et de secrets que les adultes semblent ne plus voir. Où ceux-ci agissent avec une indifférence dénuée d’émerveillement et de questionnement pour le monde qui renforce cette rupture chez l’enfant curieux.

Et puis j’y pense et des éléments semblent ressortir de cette réflexion, une conclusion semble venir à moi à propos de ce que l’on peut être et qui fait ce que l’on recherche, et puis, je me dis que celle-ci n’est pas à ajouter. Que la conclusion est sans doute déjà là, dans ces quelques lignes, en suspend ou plutôt, dans la recherche même de la direction de nos vies.

La mienne m’emmène vers un autre livre.